Le gouvernement entend frapper fort. Un projet de loi prévoit d’interdire l’accès aux réseaux sociaux aux moins de 15 ans et de bannir l’usage des téléphones portables au lycée dès le 1er septembre 2026. Un texte court, deux articles seulement, mais lourd de symboles. Derrière l’affichage de fermeté, cette initiative soulève pourtant de nombreuses interrogations.

Sur le fond, la préoccupation est légitime. Les effets délétères des réseaux sociaux sur la santé mentale des jeunes, le cyberharcèlement, l’addiction aux écrans ou la perte de concentration à l’école sont désormais largement documentés. Personne ne conteste la nécessité de protéger les mineurs.

Mais la réponse choisie par le gouvernement interroge par son caractère essentiellement répressif. Interdire sans expliquer, bannir sans accompagner, légiférer sans transformer en profondeur le modèle numérique : le risque est grand de produire une loi d’affichage, difficilement applicable et contournable dès sa mise en œuvre.

Première question centrale : comment contrôler réellement l’âge des utilisateurs ? Les plateformes ont jusqu’ici démontré leur incapacité, ou leur manque de volonté, à faire respecter les limites d’âge existantes. Sans mécanisme de contrôle public robuste, cette interdiction pourrait rester largement théorique, au détriment de la crédibilité de l’action publique.

Deuxième interrogation : l’interdiction du téléphone au lycée. Si l’usage du portable à l’école pose de réels problèmes, notamment en matière d’attention et de climat scolaire, la solution du bannissement total ne répond pas à la question de l’éducation au numérique. À 15, 16 ou 17 ans, les adolescents utilisent déjà massivement les outils numériques dans leur vie personnelle, sociale et parfois scolaire. Les exclure totalement de l’espace éducatif, sans accompagnement pédagogique, revient à repousser le problème plutôt qu’à le traiter.

Surtout, cette politique fait l’impasse sur un point essentiel : la responsabilité des plateformes. Tant que les algorithmes continueront à privilégier la captation de l’attention, la viralité des contenus violents ou anxiogènes et la monétisation des données personnelles, les interdictions d’âge resteront des rustines sur un système profondément défaillant.

Enfin, cette approche pose une question démocratique plus large : interdire suffit-il à protéger ? Sans moyens pour l’éducation au numérique, sans formation des enseignants, sans accompagnement des familles et sans régulation économique forte des géants du numérique, le gouvernement prend le risque d’une réponse simpliste à un problème complexe.

Protéger les jeunes exige une politique cohérente et ambitieuse : réguler les plateformes, investir dans l’éducation, responsabiliser les acteurs privés et donner aux adolescents les outils pour comprendre et maîtriser le numérique. À défaut, l’interdiction annoncée pourrait n’être qu’un signal politique de plus, sans effet durable sur la réalité vécue par les jeunes.

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