« Jeux de dupes en Seine »

Les exhibitions aquatiques de Mme Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des Jeux olympiques, et de Mme Hidalgo, maire de Paris, témoignent d’un accommodement de la classe politique avec les pollutions chimiques persistantes. Elles encouragent le grand public à en faire autant au mépris de la sécurité et de la santé. Les déclarations de certains athlètes convoqués dans la Seine pour les épreuves du triathlon les 30 et 31 juillet et le 5 août sur 1,5 km et de natation marathon les 8 et 9 août sur 10 km sont inquiétantes. Ils se disent habitués à plonger dans les eaux sales et à boire des tasses d’eaux polluées. Ils sont jetés dans les eaux troubles de la Seine par les fédérations sportives et le Comité d’organisation des Jeux Olympiques de Paris 2024. 

La Seine dans Paris est gravement, profondément et pour longtemps contaminée par les PCB (polychlorobiphényles) apparentés aux dioxines. Les PCB sont classés dans la catégorie des CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques). Depuis 2010, la consommation et la commercialisation de tous les poissons pêchés dans la Seine intra-muros, dans le canal Saint-Martin et dans le canal de l’Ourcq sont interdites en raison des taux supérieurs aux normes admises par l’Organisation Mondiale de la Santé, l’Union européenne et la réglementation nationale. Les PCB sont interdits de fabrication depuis la décennie 1990-2000 mais ils continuent à se répandre dans le bassin amont de la Seine à partir de dizaines de friches industrielles après des vols de cuivre dans les transformateurs abandonnés et à cause des rejets des stations d’épuration des eaux usées. Les PCB étaient utilisés en système ouvert dans les joints, les mastics, les encres, les papiers carbones, les peintures, les pesticides, et en système clos dans les transformateurs et condensateurs électriques. Les insuffisances dans la chasse réglementaire aux sources de PCB et aux détenteurs de PCB sont responsables de leur persistance dans les écosystèmes de la Seine.

La Seine dans Paris est aussi gravement, profondément et pour longtemps contaminée par les PFAS (per- et polyfluoroalkyles). Le rapport de l’IGEDD (Inspection Générale de l’Environnement et du Développement Durable) publié à la demande de Robin des Bois 4 mois après sa finalisation (il était bloqué à Matignon) relève l’existence dans le secteur de Paris de plusieurs sites marqués. Près de Melun en amont de Paris dans le ruisseau Ancoeur, un sous-affluent de la Seine, une teneur de 725 nanogrammes/litre a été mesurée. Cette concentration en PFAS provient du site d’exercice de lutte contre les incendies de la raffinerie Total de Grandpuits. En effet, les mousses d’extinction anti-incendie sont les principales utilisatrices des PFAS à côté d’emplois diffus et multiples dans les secteurs de l’emballage alimentaire, des pesticides, des textiles, des revêtements antiadhésifs et des cosmétiques. En amont immédiat de Paris, la Marsange, sous-affluent de la Seine, 30 km de long, est régulièrement contaminée par les eaux d’extinction d’incendie et elle charrie des quantités importantes de pesticides et d’herbicides. Selon le rapport de l’IGEDD, elle rejetterait 300 kg de PFAS par an. Les PFAS sont comme les PCB, des substances persistantes, bioaccumulatrices qui sont suspectées de favoriser le diabète, l’obésité, l’hypercholestérolémie. Elles traversent les barrières placentaires et contaminent les fœtus. 

Les polluants chimiques sont complètement négligés pour juger de la qualité réglementaire d’une eau de baignade.  Seule la pollution microbiologique est prise en compte. Dans ce domaine l’incertitude persiste. La prolifération d’entérocoques intestinaux et d’Escherichia coli sur le parcours des épreuves olympiques après les pluies qui ont accompagné la cérémonie d’ouverture dans la soirée du vendredi 26 juillet et qui ont persisté une partie du samedi démontre que le bassin de rétention des eaux pluviales et usées d’Austerlitz inauguré le 2 mai 2024 supposé préserver la Seine parisienne des proliférations microbiologiques ne remplit pas complètement sa mission. Les seuils prescrits par une vieille directive européenne étaient à nouveau dépassés le dimanche 28 juillet.

Voir aussi : 

– Analyse des risques de présence de per- et polyfluoroalkyles (PFAS) dans l’environnement, IGEDD, avril 2023 (pdf)

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