Reuters L’alliance de gauche du “Nouveau front populaire” (NFP) était en tête dimanche à l’issue du second tour des élections législatives anticipées en France, le Rassemblement national et le camp présidentiel se disputant la deuxième place, un scénario inattendu qui dessine une Assemblée nationale difficilement gouvernable, selon les estimations des instituts de sondage.
Ifop, pour TF1 et LCI, crédite le NFP de 180 à 215 sièges, les divers gauche s’adjugeant 10 sièges. La coalition présidentielle “Ensemble pour la République” compterait entre 150 à 180 élus, le RN et ses alliés de 120 à 150 élus.
Les Républicains “historiques” gagneraient 60 à 65 sièges.
Pour Opinionway (CNEWS-Europe 1-Le Journal du Dimanche), la gauche remporterait 180 à 210 sièges, “Ensemble pour la République” 155 à 175 sièges, le RN et alliés 135 à 155 sièges, LR et les divers droite 46 à 56.
Ipsos donne 170 à 190 sièges au NFP, 150 à 170 sièges au camp présidentiel, 135 à 155 sièges au RN. LR remporterait 57 à 65 sièges.
Elabe (BFM TV, RMC, La Tribune Dimanche) décompte 175 à 205 sièges pour la gauche, 150 à 175 sièges pour “Ensemble”, 115 à 150 sièges pour le RN, 60 à 70 pour LR, Divers droite et UDI.
La “clarification” voulue par Emmanuel Macron aura paradoxalement accouché d’une situation d’une complexité inédite, avec une France sans boussole politique et une chambre basse encore plus fragmentée qu’auparavant.
Dans ce chamboule-tout, aucune force ne dispose en effet de la majorité absolue à l’Assemblée nationale (289 sièges).
Le “front républicain” appliqué non sans confusion dans l’entre-deux-tours par le NFP et, dans une moindre mesure, par un camp présidentiel divisé sur la conduite à tenir face à La France insoumise (LFI), composante du NFP, a lourdement pesé dans les urnes et brisé l’élan de l’extrême droite.
Même si le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella, qui avait remporté 89 sièges en 2022 et s’était nettement imposée au premier tour le 30 juin (33,15%), progresse significativement, le verdict des urnes est un échec.
Le camp présidentiel “Ensemble pour la République”, qui disposait de 250 élus dans la précédente assemblée, sauve la face.
LA “MACRONIE” SAUVE LA FACE
Emmanuel Macron avait dégainé l’arme institutionnelle de la dissolution – la sixième de la Ve République – au soir de la victoire du RN aux élections européennes du 9 juin (31,37%) et de la déroute de son camp (14,6%).
La “Macronie”, ébranlée par une décision présidentielle incomprise, a poussé avec succès ses derniers feux pour tenter d’échapper à l’extinction.
Le chef de l’Etat a réuni à l’Elysée le Premier ministre, Gabriel Attal, et les chefs des partis de la majorité (relative) sortante, notamment l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, président d’Horizons, et le maire de Pau François Bayrou, président du MoDem.
Les Républicains, plongés de nouveau dans les affres de la division après le ralliement de leur président Eric Ciotti au RN, conservent leurs sièges à l’Assemblée, forts d’un ancrage local de longue date. Dans les tractations qui s’annoncent, ils pourraient faire valoir leur rôle de force pivot.
Au total, 501 sièges restaient à pourvoir sur les 577 de l’Assemblée nationale dans ce scrutin sans précédent dans la Ve République, malgré les cinq autres dissolutions prononcées depuis 1958.
Le taux de participation s’est établi à 67,10%, en légère hausse par rapport au premier tour.
L’Hémicycle se divise donc selon les estimations en trois blocs pour une XVIIe législature – qui débutera officiellement le 18 juillet – sous le signe de l’instabilité et de la menace de motions de censure à répétition.
En vertu de l’article 12 de la Constitution française, aucune dissolution n’est possible avant le 8 juillet 2025.
Selon l’article 8 de la Constitution, il revient au président de la République, garant des institutions, de nommer le Premier ministre pour conduire la politique de la Nation. La pratique veut que le chef du gouvernement soit issu des rangs de la force dominante à l’Assemblée.
L’hypothèse d’une coalition de la gauche à la droite modérées, d’une “Assemblée plurielle” selon les termes du Premier ministre Gabriel Attal, s’est fait jour dans l’entre-deux-tours, à l’image lointaine de la “Troisième force” (SFIO, UDSR, radicaux, droite républicaine) qui gouverna la France de 1947 à 1951.
L’option d’un gouvernement de techniciens à l’italienne (Mario Monti en 2011-2013 et Mario Draghi en 2021-2022), sans précédent en France, a également été avancée, mais les constitutionnalistes soulignent les limites d’une telle configuration.